Dynamique de groupe : éviter les pièges grâce à l’intelligence collective

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Dynamique de groupe : comment décider ensemble ?

La crise sanitaire met en avant le besoin de développer davantage de collaboration, partage d’informations et accueil des émotions (intelligence émotionnelle).

  • Comment passer de ce simple constat à une réalité vécue ?
  • Comment travailler en équipe et éviter les mauvaises décisions dans un climat de tension ?

Pour répondre à ces questions nous vous proposons de déployer quelques principes d’intelligence collective.

L’intelligence collective est généralement supérieure à la somme des intelligences individuelles. Cette dynamique offre la capacité de décider, d’agir en cohérence avec les objectifs communs et de s’adapter avec souplesse et agilité en cas de changement. En d’autres termes :

Plus l’intelligence collective se vit réellement, plus les décisions sont fiables et les résultats conformes aux objectifs définis ou attendus.

Néanmoins, l’intelligence collective dépend des dynamiques relationnelles vécues au sein du groupe. Ces dynamiques de groupe vont avoir un impact significatif sur la fiabilité des décisions. De plus, la qualité des interactions sociales influe sur la pertinence des actions choisies pour réaliser les objectifs.

Bref, la réussite globale dépend du niveau d’intelligence collective. Dès lors, comment la renforcer ? Christian Morel, dans son livre « Les décisions absurdes – tome 2 », nous partage neuf mécanismes qui peuvent mettre à mal l’intelligence collective et amener un groupe à prendre de mauvaises décisions et obtenir de piètres résultats.

Causes des dysfonctionnements en groupe : les pièges cognitifs

  1. La polarisation
    Pour éviter toute forme de rejet ou de marginalisation, les participants d’une réunion auront tendance à accepter des propositions plus radicales que les leurs  et outre passer leurs propres limites de tolérance. Une deuxième explication est cognitive. Les participants sont plus exposés aux idées majoritaires, qui deviennent à cause de leurs répétitions, plus faciles à accepter.

  2. Le paradigme de Ash
    Le paradigme de Ash se traduit par une adhésion à l’unanimité.  Si un groupe expose un fait inexact de manière unanime, un participant aura tendance à se conformer à la vision erronée du groupe. Absence de discernement ou perte du libre arbitre.

  3. Le biais de confirmation
    Il s’agit de la tendance des individus à retenir ou donner plus de poids aux informations qui confirment leurs opinions et à ignorer ou réduire l’importance des informations qui les infirment.

  4. La pensée de groupe ou « groupthink »
    Pour préserver la cohésion et l’harmonie du groupe ses membres vont avoir de la réticence à exprimer leurs désaccords. Eviter le conflit et se taire par peur de rompre la dynamique amicale du groupe.

  5. La communication silencieuse
    La communication silencieuse consiste à supposer ce que les autres pensent. Cela peut évidemment amener à des interprétations complètement fausses.

  6. L’illusion de l’unanimité
    Ce dysfonctionnement résulte de la pensée de groupe et de la communication silencieuse exposés ci-dessus. Quand les oppositions sont tues, les défenseurs d’une proposition pensent qu’il y a unanimité.

  7. Pression hiérarchique, jeux de pouvoir et communication erronée
    Trop d’autorité et/ou trop d’obéissance sont les signes d’un mode organisationnel dysfonctionnel. La dynamique relationnelle existante entre les pairs a aussi son importance. Il peut exister ce qu’on appelle des jeux de pouvoirs entre les interlocuteurs. Stephen Karpman décrit ces jeux de pouvoir dans son livre « le Triangle Dramatique – De la Manipulation à la Compassion » ou il identifie trois rôles qui peuvent être joués dans un échange et altérer la communication.

  8. Effet pervers mécanique
    Les deux derniers mécanismes qui peuvent amener un groupe à dysfonctionner sont liés directement à la structure des groupes et des organisations. Il s’agit de l’effet de nombre et des règles bureaucratiques.
    1. Effets de nombre
      Plus le nombre de participant est grand, plus les discussions et prises de décisions sont difficiles, voire impossible. Christian Morel indique « qu’une réunion de trois heures ne doit pas comporter plus de douze participants si l’on veut que chacun dispose d’un temps minimal d’expression ».
    2. Règles et outils
      Certaines règles admises dans les organisations peuvent avoir un effet négatif. Par exemple, le fait d’insister et de répéter ses objections.
      L’utilisation d’outils informatiques peut diminuer la clarté de l’information ou faire perdre de vue des éléments essentiels.
      Enfin, l’auto-censure qui peut être lié au fait que toutes les informations ne sont pas encore vérifiées.

Comment éviter les pièges qui poussent à prendre une mauvaise décision ?

Il existe différentes méthodes qui permettent de développer l’intelligence collective. La Dynamique Participative en est une. Elle regroupe un ensemble de pratiques et d’outils qui visent à soutenir le déploiement de l’intelligence collective dans les organisations. La Dynamique Participative s’appuie sur trois règles, qui comme expliqué ci-dessous, freinent les dysfonctionnements dans les dynamiques de groupe. Elle améliore la dynamique de groupe et repose sur la qualité des relations humaines.

Règle 1: Le mode circulaire

Selon Martine Marenne et Stefan Merckelbach « le mode circulaire, par opposition au mode linéaire (ou « discussions ping-pong »), induit la pensée circulaire ou les idées des uns fécondent celles des autres ».

En pratique le mode circulaire se traduit par des tours de paroles dans les réunions. Le respect des tours permet d’équilibrer le temps de parole entre les différents participants. Le besoin d’expression de chacun est respecté et permet au groupe de bénéficier des idées et des opinions de tous.

Le mode circulaire se traduit également dans la structure même des réunions. Les rencontres commencent systématiquement par une ronde d’ouverture. Ce temps de connexion entre les participants renforce la qualité de présence et de participation. Ensuite les réunions se poursuivent avec l’ordre de jour et se terminent avec une ronde de clôture. Tous les membres de l’équipe évaluent la réunion et partagent comment ils l’ont vécue. Cette évaluation, ou retour sur expérience, est essentielle. Elle assure un apprentissage continu et permet de boucler la boucle réfléchir, décider, agir, apprendre ensemble !

Le mode circulaire diminue les dysfonctionnements des groupes car il favorise l’expression des critiques constructives. Cette transparence est bénéfique pour la créativité, la qualité et la prévention des risques.

Le mode circulaire freine l’effet de nombre qui induit des discussions et prises de décisions difficiles. Il lutte contre la communication silencieuse et sa conséquence, l’illusion d’unanimité.Le mode circulaire invite chacun à prendre sa responsabilité individuelle au sein d’un collectif et à exprimer ses opinions. Par conséquent, ce processus limite la pensée de groupe, ou « groupthink ». Pour résumé, à lui seul, le mode circulaire permet de lutter contre un nombre élevé de mécanismes qui mettent à mal l’intelligence collective.

Règle 2: Le consentement

Le consentement est la deuxième règle de la Dynamique Participative.


« Le consentement comme mode de prise de décision, signifie qu’aucun membre n’oppose d’objection raisonnable (argumentée) à la prise de cette décision. Une objection est jugée raisonnable si elle bonifie la proposition à l’étude ou si elle l’élimine complètement. » (Martine Marenne et Stefan Merckelbach).

Martine Marenne et Stefan Merckelbach

Une objection est aussi positive que l’absence d’objection.

Une objection va permettre d’apporter de la clarté là où elle fait défaut. Elle peut éviter au groupe de faire des erreurs. Elle peut aussi améliorer le projet initial et aboutir à une innovation. Enfin, elle peut amener à prendre conscience collectivement qu’une nouvelle stratégie est nécessaire.

Une absence d’objection renforce l’adhésion. Elle signifie qu’il y aura peu ou pas de résistance à la mise en œuvre de la décision. Le fait de consentir à réaliser un projet et de co-élaborer un plan d’actions a également un impact très positif sur la motivation intrinsèque puisque chacun participe au processus jusqu’ à la décision.

Le consentement, comme le mode circulaire, permet d’éviter un grand nombre de dysfonctionnement en groupe.

Dans ce processus le manager partage le pouvoir décisionnel avec ses collaborateurs proches. Cette mise en équivalence des participants est appliquée en aviation, dans l’armée ou encore à la NASA cf « Les décisions absurdes » de Christian Morel. Elle s’avère particulièrement efficace en situation de crise. Il reste à mentionner que toutes les décisions ne se prennent pas par consentement. Les décisions de gestion courante ou décisions opérationnelles respectent les rôles et responsabilités de chacun.

Règle 3: L’élection sans candidat

L’élection sans candidat est une autre manière de faire un choix.

Les réunions en Dynamique Participative sont animées par un « animateur » qui n’est pas le supérieur hiérarchique (manager).

L’animateur est responsable de l’animation de la rencontre. Il vieille au respect  de l’ordre du jour, des processus et des règles pendant la réunion. Il est au service du collectif. Il est soutenu par un « secrétaire » qui prend note et qui est le gardien du temps.

Le fait d’avoir des rôles d’animateur et de secrétaire fluidifie la communication et renforce l’autonomie et l’engagement de tous.

L’élection sans candidat contribue à préserver la cohésion de groupe et la philosophie de la Dynamique Participative. Elle atténue, comme les deux autres règles, les dysfonctionnements de groupe grâce au partage des responsabilités. L’élection sans candidat permet de faire un choix consenti entre deux ou plusieurs alternatives. L’avis de chacun est écouté et pris en compte. La décision n’est pas l’apanage du niveau hiérarchique supérieur mais relève d’une responsabilité collective.

Conclusion

Pour conclure, il est évident pour nous que déployer et soutenir l’intelligence collective est essentiel pour répondre à la vitesse du changement et la complexité du monde actuel. Le type de dynamique de groupe en place dans les équipes va jouer un rôle essentiel sur le bien-être individuel et la performance collective.

Une dynamique de groupe saine va améliorer la fiabilité des réflexions et des décisions. Cette amélioration passe par le respect et la compréhension de l’humain et de ses modes de fonctionnement.

Pour relever les défis actuels, nos modèles organisationnels et leurs processus doivent évoluer. « Cette évolution nécessite de mettre l’humain au cœur des organisations, et que les organisations se mettent au service de l’humanité. »

Vincent Herzfeld et Martine Marenne.