Optimiser l’intelligence collective grâce à l’équilibre du temps de parole

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Équilibrer le temps de parole permet de soutenir la diversité et l’échange d’idées. En d’autres termes, optimiser l’intelligence collective.

Sagesse des foules

Plus nous sommes nombreux, meilleures sont nos estimations. Cette découverte de Francis Galton, un scientifique britannique (anthropologue, explorateur, géographe, météorologue, écrivain, statisticien, etc.) critiqué pour ses croyances eugéniques, a été largement diffusée par James Surowiecki dans son livre best-seller la sagesse des foules1. D’ailleurs « The Wisdom of Crowds » est à l’origine de la popularité du mot « crowd » chez les startups (crowdsourcing, crowdfunding)2.

« Ce phénomène de « sagesse des foules » obéit à trois principes :

  1. La moyenne [médiane] des estimations est plus fiable qu’une estimation individuelle moyenne ;
  2. Plus nombreuse est la foule, plus fiable est son estimation ;
  3. Le gain de fiabilité apporté par chaque estimation supplémentaire va en diminuant »3.

Nous pouvons résumer ces trois principes en un trois mots : besoin de diversité.

Intelligence collective : équilibrer le temps de parole

Besoin de diversité

Pour créer des groupes ou des équipes performantes nous avons besoin de dialogue autour de différentes idées, opinions et points de vue.

Ce besoin de diversité a été démontré par Scott Page, un sociologue américain. En fait, mathématiquement, il y a « deux manières de réduire l’erreur collective : diminuer les erreurs individuelles, ou augmenter la variance des estimations. Dit autrement, on peut augmenter l’expertise collective soit en recrutant de meilleurs experts, soit en multipliant les points de vue. Il n’y a aucune raison de privilégier l’expertise à la diversité, ni l’inverse. Elles sont en quelque sorte interchangeable »4.

Combiner expertise et diversité est encore mieux. Néanmoins, Cette combinaison gagnante demande une communication de qualité permise, entre autres, par le partage du temps de parole dans les réunions.

Pour Émile Servan-Schreiber la diversité fait en sorte que “les erreurs individuelles s’annulent et que les bonnes idées subsistent et se bonifient”5.

Équilibre du temps de parole et équivalence au service de la diversité

Équilibrer le temps de parole dans les groupes est donc primordial. Cet équilibre permet de soutenir la diversité des idées et des opinions nécessaires à l’intelligence collective. Le partage du temps de parole invite ceux qui ont tendance à monopoliser la parole à écouter les autres. Tandis qu’il invite ceux qui se taisent à prendre leur responsabilité et à exprimer leurs opinions.

En Dynamique Participative « le mode circulaire, qui consiste à faire tourner la parole, induit la pensée circulaire, tandis que le mode de discussion traditionnel (les fameux « ping-pongs ») induit une pensée linéaire ; le mode circulaire aboutit à ce que les idées des uns fécondent celles des autres dans un mouvement de spirale ascendante. L’intention de chaque participant est d’ajouter sa pierre à l’élaboration collective. Le mode circulaire est au service de l’intelligence collective. Grâce au mode circulaire ou aux tours de table systématiques, chaque membre a le même droit à la parole »6. Ce principe d’équivalence est fondamental pour amorcer une transition vers un management participatif. L’équilibre du temps de parole permet la diversité, la multiplication des idées et des points de vue nécessaire au développement de l’intelligence collective.

Instinct grégaire et influence sociale

Une foule serait donc plus intelligente qu’un expert isolé. Pourtant les foules présentent sur les réseaux sociaux et leurs jugements nous montrent parfois l’inverse. Il n’y a qu’à se pencher sur le système généralisé des notations et avis sur le web.

Ensemble sommes-nous plus intelligents ? De nombreuses situations politiques, sportives ou sociales peuvent nous rendre suspicieux par rapport au concept d’intelligence collective. L’idée qu’ensemble nous sommes plus intelligents peut sembler contestable. Nous ne pouvons nier que l’instinct grégaire peut nous amener à agir à l’encontre du bon sens. C’est d’ailleurs un des thèmes du livre la Psychologie des foules du sociologue Gustave Le Bon (1895).

Duncan Watts, sociologue australien, est célèbre dans le monde scientifique pour son étude sur la structure des réseaux et la manière dont l’information s’y propage et les connexions s’y organisent (« small-world networks »)7. Avec l’étude sur la notation de morceaux de musique8, lui et son équipe démontrèrent que « noyée dans les informations sociales, [la foule n’est] plus capable de porter un jugement mesuré »9. Pour tenir compte de la diversité des opinions et ne pas être victime de l’influence sociale il faut donc associer à l’équilibre du temps de parole un deuxième élément : l’intelligence émotionnelle (IE).

Conclusion

Pour optimiser l’intelligence collective d’un groupe, équilibrer le temps de parole est essentiel. Intelligence collective et temps de parole sont liés. Néanmoins il est primordial d’y associer un deuxiéme élément, à savoir le développement de l’intelligence émotionnelle.

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[1] James Surowiecki, La Sagesse des foules, 2008, Éditions Jean-Claude Lattès, (ISBN 978-2709628914).
[2] Servan-Schreiber, Emile. Supercollectif. La nouvelle puissance de l’intelligence collective (Documents) (French Edition). Fayard. Kindle Edition.
[3] Servan-Schreiber, Emile. Supercollectif. La nouvelle puissance de l’intelligence collective (Documents) (French Edition) (p. 46). Fayard. Kindle Edition.
[4] Servan-Schreiber, Emile. Supercollectif. La nouvelle puissance de l’intelligence collective (Documents) (French Edition) (p. 57). Fayard. Kindle Edition.
[5] Servan-Schreiber, Emile. Supercollectif. La nouvelle puissance de l’intelligence collective (Documents) (French Edition) (p. 57). Fayard. Kindle Edition.
[6] Formation en Dynamique Participative : module 1 – les outils et module 2 – les responsables. Martine Marenne, Stefan Merckelbach
[7] Duncan J. Watts & Steven H. Strogatz. Collective dynamics of ‘small-world’ networks – 1998.
[8] Matthew J. Salganik, Peter Sheridan Dodds, Duncan J. Watts. Experimental Study of Inequality and Unpredictability in an Artificial Cultural Market – 2006.
[9] Moussaïd, Mehdi. Fouloscopie. Ce que la foule dit de nous (QUOI DE NEUF EN) (French Edition) (p. 141). Humensis. Kindle Edition.